✖ AS UNKNOW

Citation :

« Yeah I know, nobody knows,
Where it comes and where it goes. »

Le soleil couchant de cette énième journée était semblable à tous les autres, monotones. Pour certains, il était également effrayant, ceux qui ne connaissait pas Shutter Island devait trembler de peur à l’idée de passer une nuit de plus sur cette île qui semblait terrifiante. Toutefois, pour Rush, cela s’avérait différent, il avait l’impression d’avoir passé sa vie ici, entre les feuillages, arc à la main. Il avait l’impression d’avoir toujours été au service de la famille et le gaillard qu’il était ne regrettait en rien son ancienne existence, elle avait été trop horrible pour qu’il ne fut triste de l’avoir quitté et si, à ses début sur l’île, il avait été passablement effrayé, notamment parce que peu de personnes y étaient encore, il s’était finalement habitué aux habitudes qu’il avait fallu moduler pour le mode de vie présent.

Arc à la main, il marchait d’un pas lent dans les feuillages, jetant des coups d’œil alentours afin de trouver quelque chose à faire rôtir pour ce soir, car bien que vivant grâce aux dons de la famille, il n’en demeurait pas moins obligé de remplir certaines obligations qu’elle lui ordonnait. Son regard ne tarda pas à croiser la jeune femme qui l’avait refoulé quelques jours plus tôt. Celle-là même qu’il devait rallier à la cause de la famille et donc, pour qu’elle devienne employée ici. Mais elle s’était révélée moins encline à se laisser approcher, toutefois, elle semblait en bien plus piteux état que la première fois qu’il l’avait vu et il ne fallut pas longtemps à Rush pour comprendre qu’elle sortait depuis quelques jours de son épreuve, et il avait beau être a dix mètres, on distinguait bien son état lamentable bien qu’elle semblait avoir grandement récupéré. Ce fut avec un sourire malicieux qu’il brandit son arc, visant à la perfection, comme toujours. Il était connu pour ne jamais loupé sa cible et en effet, il ne loupa rien : la flèche atterrit sur l’arbre à quelques centimètre du corps de Lexie O’Ryden qui avait eut, par réflexe, un mouvement de recule.

Rush ne feignit même pas l’innocence lorsqu’il avança vers elle en décrochant sa flèche de l’arbre avant de se tourner vers la jeune femme. « Et bien, tu es devenu potes avec des scarabées ? » Son ton ironique faisait notamment allusion à l’énorme morsure qui jonchait son mollet, depuis le temps qu’il était ici, il savait repérer les traces des animaux, de leurs pas jusqu’à leurs morsures. Il afficha un infime sourire, semi-contrit, sachant très bien que les épreuves n’étaient jamais simples, semi-amusé devant la mine énervée que – sans doute- elle ne tarderait pas à avoir désormais qu’il lui avait adressé la parole.

Lexie avait réussi à se laver et nettoyer ses blessures, mais le mal était fait. Elle déjà si méfiante refusait l'aide de qui que ce soit. Elle voulait se débrouiller seule après tout peut-être que quelqu'un était au courant ou en était responsable. Lexie était encore très fatiguée à cause de l'épreuve qu'elle avait subie. Lexie comptait donc profiter de la journée pour se reposer un peu. Lorsque Lexie vit la flèche elle eut un mouvement de recul. Depuis son épreuve elle était encore plus à cran comme si elle attendait que quelque chose de négatif lui arrive à nouveau. Même si elle n'avait montré aucun signe de faiblesse l'espace d'un moment la peur s'était emparée de la jeune femme, mais pas assez pour qu'elle renonce à sa liberté. Lexie se demandait vraiment ce qu'elle avait fait pour mériter d'être ici. Elle commençait à se dire qu'elle était maudite. Voyant Rush arriver elle comprit qu'elle n'allait vraiment pas pouvoir être tranquille. Son air satisfait la mettait hors d'elle, elle n'avait qu'une envie lui mettre sa raclée.

« Et bien, tu es devenu potes avec des scarabées ? » Lui demanda Rush. La jeune femme leva les yeux au ciel pour exprimer son mécontentement. C'était bien bas même pour lui. Il commençait vraiment à lui courir sur le haricot pour rester poli. Lexie avait assez supporter de choses sans en plus devoir supporter Mr sarcastique. À croire qu'il savait ce qui lui était arrivé.« Non, mais tu ferais mieux de dégager avant que je t'en fasse bouffer. » Lui rétorqua Lexie. C'était méchant, mais elle était réellement à cran. Lexie avait donc du mal à contrôler ses paroles, du moins encore plus que d'habitude. Trop fière pour l'admettre sa jambe lui faisait atrocement mal même si elle savait que d'ici quelques jours la souffrance disparaîtrait. De plus, elle avait beaucoup de peine à dormir c'est comme si elle se méfiait de tout et de tout le monde. « Tu le savais pas vrai ? » Lui demanda Lexie. Même si Rush faisait mine de ne pas comprendre de quoi elle parlait elle était bien trop maline pour croire à son petit jeu. Elle ne comprenait pas comment un être humain pouvait laisser un autre être humain vécu ce qu'elle a vécu. Lexie ignorait encore les secrets, les règles de cet endroit sinon elle aurait compris pourquoi Rush ne pouvait rien dire. À ses yeux il l'avait simplement laissé se débattre et il était aussi responsable que les gens qui lui ont fait ça.

« Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas prévenu ? » Lui demanda Lexie. Elle lui donnait une chance de s'expliquer, mais peu importe la réponse qu'il allait lui donner Lexie continuerait d'être rancunière. Peut-être qu'elle n'est pas parfaite, pas gentille, mais à sa place elle l'aurait prévenu du moins c'est ce qu'elle pense. Lexie se demandait ce qu'elle avait bien pu lui faire pour qu'il ne l'aide pas. Ce n'était pas simplement parce qu'il l'avait rembarré sinon il serait le roi des crétins. « Tu savais très bien ce qu'il allait me faire et tu n'as rien dis. » Fini par lui dire Lexie avant de faire quelques pas. Elle était bien trop énervée pour continuer à parler avec lui, mais elle avait encore plus mal à la jambe ce qui l'empêchait de continuer à marcher. C'est toujours quand elle veut partir que quelque chose la retient. Se tenant la jambe Lexie espérait que la douleur partirait rapidement pour ne pas entendre Rush rire de sa souffrance. Elle refusait de montrer un seul signe de faiblesse après tout c'est ce qu'elle a appris.

Elle avait cette farouche lueur dans le regard qui n’était semblable a aucune. Rush y décelait une amertume peu commune vis à vie de la vie elle-même, comme si rien n’avait été réellement bon pour elle et, dans le fond, même s’il ne le savait pas avec certitude, il se doutait qu’elle ne devait pas être le genre de fille à avoir la plus belle des existences niché au creux d’un manoir de style victorien. Bien au contraire. « Tu le savais pas vrai ? » L’air innocent qu’il fit alors ne parût pas bluffer Lexie O’Ryden qui n’en croyait pas. De toute façon, il aurait été impossible pour lui de cacher cela bien longtemps, les gens ne tardaient pas à savoir qu’il était là depuis bien longtemps, rien qu’à observer sa décontraction dans un lieu aussi sordide et les soupçons étaient toujours, à un moment ou un autre, dissipé car il était un menteur hors pair. « Pourquoi est-ce que tu ne m'as pas prévenu ? » Rush aurait pu lui dire qu’il était dans l’incapacité de lui dire, qu’il n’en avait pas le droit ou encore qu’il aurait payé les conséquences de cet aveu au prix fort, mais il était d’avis que la rancune et la haine renforçait les esprits et que si, comme lui, Lexie devait rester pour toujours ici, autant qu’elle soit endurcie un maximum, bien qu’il était indéniable qu’elle était déjà assez forte, à son avis. « Tu savais très bien ce qu'il allait me faire et tu n'as rien dis. »

Rush baissa légèrement la tête, pas par honte, uniquement parce qu’il hésitait quant à sa réponse, après tout, il ne semblait y avoir aucune justification valable à cela, à moins de dire la vérité, ce qu’évidemment il ne pouvait pas faire. Puis de toute façon, la vérité, lui-même ne la détenait pas entièrement, il était deux ans dans la plus parfaite des impasse et même si, contrairement aux autres, une brèche s’était ouverte dans le mur constituant l’impasse, le laissant s’approcher plus près de la vérité que, de toute façon, il ne parvenait et ne parviendrait pas à atteindre. « Je ne pouvais pas te le dire. » Dit-il simplement, pour commencer. Cherchant les mots justes, aussi bien pour la rassurer, avant qu’elle ne pique une crise comme pour ne pas l’énerver davantage. Le stress irritait les gens, qui devenait bien moins enclin à sauver leur vie dans les sombres bois de Shutter. Rush avança jusqu'à une racine d’arbre assez grosse pour qu’il puisse s’y assoir sans être trop ‘’sur le sol’’

« Ecoute, Lexie, ce sont les règles ici, on est plus ‘là-bas’, je sais même pas ou on est, mais ça fonctionne comme ça maintenant, tu arrives et on te jette dans une épreuve stupide avant de te laisser vivre – si tu survis - comme Robinson Crusoé sur cette île maudite. » Poursuivit-il, plus calmement tout en plantant son regard dans le sien avec une détermination. Il voulait simplement lui faire comprendre qu’ici, rien n’était plus pareil et que, comme lui avant elle, il fallait qu’elle le comprenne pour ne pas mourir dans la semaine qui venait. Arrachant la pointe d’acier de sa flèche qui était encore incrusté dans l’arbre, il aiguisa le bâton de celle-ci avec un couteau avant de coller de nouveau la pointe et remettre la flèche réparé dans son carquois. « Maintenant, si tu refuses mon aide, tu peux tout à fait rester ici, dans ses bois. Mais tu ne passeras sans doute pas la nuit, ce soir, les loups chassent. » Termina-t-il sur un ton qui semblait presque le rendre indifférent au sort de la demoiselle.

« On va quand même pas se laisser faire par une bande de psychopathes qui s'ennuient tellement qu'ils s'amusent à torturer des gens. » Rush une un vague sourire ironique, mêlé à un rire aussi sarcastique que discret, Lexie venait à peine d’arrivé et son espoir était encore là. Rush lui, avait perdu le sien au courant des deux années passées, comme beaucoup, il s’était résigné à passer le reste de sa misérable existence coincé entre deux arbres de cette forêt qui ne semblait avoir de fin sous le joug d’une famille qui se plaisait à être les maîtres de ce jeu sordide. Il n’oserait pas dire qu’elle était naïve, car après tout, elle n’avait pas encore conscience que la famille ne semblait pas prête à abandonné ses habitants. Il se contenta de la regardé avec un léger sourire contrit et un ton empreint d’une douleur enfouie qui désirait émergé mais dont il repoussait l’extériorisation. « Tu penses qu’aucune n’a essayé ? Bien sur, les téméraires ont tenté de pousser les murs de la plage, de détruire les barrières qui nous garde prisonnier, de trouver la famille et la tuer. Mais toutes ses personnes là, Lexie, ou sont-elles ? » La réponse, au ton qu’il employait, était évidente, même pour elle qui n’était là que depuis peu de temps. Il eut un nouveau rire cynique. « Personne ne sait ou ils sont, sans doute que leur carcasse se détériore au fin fond de l’océan. » Il perdit son regard dans l’horizon, se plongeant dans de douloureux souvenirs qu’il avait longtemps tenu à l’écart, comme toute sa vie d’ailleurs, Rush avait toujours laissé au placard son passé, peu importe puisse-t-être proche ou lointain, les démons l’effrayaient bien plus qu’une éternité sur Shutter Island.

« Je suis sûre que si on s'y met tous on pourrait partir d'ici. Je ne sais pas pour toi, mais je ne veux pas pourrir sur cette île. » Rush pencha légèrement sa tête sur le côté, lui lançant un regard qui n’avait rien de méchant mais qui témoignait de la naïveté qu’il associait à la demoiselle. Dans le fond pourtant, même si il se persuadait d’avoir perdu tout espoir, il savait que quelque part, en lui, se cachait l’infime espoir qui n’attendait qu’à renaître, un signe qui l’aiderait à croire qu’une vie nouvelle était possible loin d’ici, pour l’heure, il jouait le cynisme. « Qui prendrait le risque de perdre sa vie ? Je t’en pris, ils se sont tous battus pour ne pas mourir, crois-tu qu’ils se battraient alors pour partir d’ici en prenant le risque d’y perdre la vie ? » Il marqua une légère pause, peiné de songer qu’en effet, peu de personne prendrait un tel risque, lui-même n’était pas sur d’être prêt à cela, après tout, il avait accepté de travailler pour la famille justement pour préservé sa vie, aussi futile soit-elle. « Tu finiras pas le voir toi aussi, tu finiras par comprendre qu’on arrête d’y croire au final. Ca ne vaut pas la peine d’entrer dans une guerre pour laquelle on se sait perdant. » Expliqua-t-il finalement, avant de se lever de sa racine avec un soupire peu discret.

« J’ai pas trop le choix. » Cette phrase écorcha un sourire à Rush qui lui lança un léger regard cynique. « Apprend, O’Ryden, qu’on a toujours le choix. On refuse simplement de le faire. » Philosophie quand tu nous tient. Rush c’était souvent dit qu’il aurait du entamé des études de philo avant de disparaître sur Shutter Island. Finalement, il attrapa la main de Lexie avec une aisance qui lui collait toujours à la peau. « Allez, vient. » Ce n’était pas tant une question qu’une façon de lui dire que c’était lui qui décidait d’où ils allaient, s’enfonçant un peu plus dans les bois. Après avoir passé multiples haies et branches qui griffaient leur bras, ils s’arrêtèrent dans un lieu légèrement plus verdoyant qu’ailleurs, peu de personne semblait s’y aventurer, pour cause, Rush avait toujours trouvé là, son coin de paix ou personne ne venait, ou presque. « Evite d’emmener tout tes potes ici, je crois que tu es la seule qui est vu cet endroit à part moi. » Il balayait l’horizon d’un regard, cet endroit de l’île aurait presque donné l’impression que Shutter Island était un endroit paradisiaque. Rush tourna son regard vers Lexie et lui fit un sourire légèrement amusé, lui tendant son arc, armé d’une flèche avec nonchalance. « Vise le centre du tronc. On avisera de l’ampleur des dégâts. » Dit-il sur un ton ironique, sous-entendant qu’elle n’était sans doute pas très douée au tir à l’arc. S’écartant d’un pas, il montra avec légèreté le tronc d’arbre en face de Lexie et attendit qu’elle tire cette fameuse flèche.